J’ai faim, Maman, où es-tu ?

Je ramène souvent les choses à moi, souvent est un euphémisme. J’ai longtemps cru que j’étais simplement égoïste, mais ce n’est probablement pas le cas.

Je remarque une tentative de dire :

« Est-ce que j’existe vraiment pour toi ? Est-ce que je compte même quand je ne fais rien d’exceptionnel ? Est-ce que je peux juste être là, simplement, sans avoir à me battre pour ta présence, ton regard ou ton amour ? Est-ce que je peux me reposer dans le lien sans craindre que tu partes ? Dis-moi que je ne suis pas seul, que je ne suis pas oublié. »

Mon comportement et ma manière d’appréhender la réalité sont teintés par un manque de présence et de nourriture émotionnelle dans l’enfance, qui cherche à combler inlassablement un vide dans l’instant présent.

Parler de moi est un moyen de ne pas être oublié, de rester visible et de m’assurer que le lien qui me nourrit est toujours là.

Quant à mon besoin insatiable d’attention et de preuves d’amour, il met en lumière un puits sans fond. Il n’a rien d’un caprice, comme je l’ai cru, mais les stigmates d’un passé non réparé.

Aujourd’hui, ces blessures me sautent au visage et dévoilent des comportements dysfonctionnels et demandants pour mon entourage.

Mes relations en sont affectées, mais aussi mes entrailles, qui sont compressées par la peur permanente, comme si mon système nerveux était en état de survie à chaque instant.

Je suis étouffé par la peur d’être rejeté si je suis moi-même, si je deviens expressif et que j’assume ouvertement ce que je pense.

Je vis dans un monde intolérable pour ma sensibilité, mais je m’en accommode, je ne dis rien, comme si c’était normal. Beaucoup de gens, et notamment des proches, ont des comportements déroutants et profondément dévastateurs, mais je n’ose rien dire de peur de perdre leur amour, leur intérêt, leur présence.

Aujourd’hui, je devrais me protéger et pourtant j’accepte des choses qui sont inacceptables pour des miettes d’attention.

Je fais le fort et le détaché, et c’est le cas par moments, mais beaucoup de choses m’affectent énormément. J’ai souvent envie de pleurer, de hurler.

J’ai arrêté les toxiques comme l’alcool et le cannabis, qui camouflaient mes manques intérieurs, mais ils n’ont pas disparu.

Aujourd’hui, j’ai une autre drogue : la relation. Je suis addict, enfin, en manque — un manque profond de moi-même.

Quand je me reconnais — et ça arrive de plus en plus régulièrement — ces manques abyssaux n’existent plus, ils ont comme disparu.

Je suis entier, complet, en confiance et sans demande.

Mais le curseur vacille encore, il cherche sa position entre la souffrance et la liberté d’être.

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