La Joie derrière le Masque

Est-ce que le monde est sérieux ?

Je me suis souvent posé cette question, en observant les gens rire à gorge déployée, faire le pitre, surjouer la joie. Mais au fond de moi, quelque chose sonnait faux. J’ai ce truc — je ressens les gens. Et ce que je sentais n’avait rien à voir avec ce qu’ils montraient. Sous les sourires éclatants, il y avait autre chose. Une douleur sourde. Une tristesse mal camouflée. Un mal-être enfoui.

J’ai longtemps douté de moi à cause de ça. Me demandant si je n’étais pas trop sensible, trop méfiant, trop lucide peut-être. J’avais l’impression de voir un masque, là où tout le monde voyait une personne “joyeuse”. Et ce décalage m’a mis mal à l’aise. Comme si on me forçait à douter de mes ressentis les plus profonds. Comme si je n’avais pas le droit de dire : “Je sens que ça ne va pas, même si tu ris.”

Avec le temps, j’ai compris : l’excès de joie extérieure est souvent un camouflage. Une stratégie brillante pour oublier ses propres blessures. Mais ça ne dure jamais. Dès que le silence revient, que l’agitation retombe, les démons refont surface. Le vide, les traumas, l’angoisse. Impossible de rester seul sans distraction, sans bruit. Et ça, ça ne concerne pas que les “clowns” ou ceux qui font les pitres. C’est un reflet de notre époque.

Beaucoup cherchent la joie à l’extérieur, pour ne pas avoir à constater que la joie intérieure est absente. L’une est addictive, exige une stimulation constante. L’autre, la vraie, jaillit du silence. Elle ne coûte rien. Elle ne demande rien. Elle émerge d’un endroit en nous que trop peu osent visiter.

Cette joie-là, c’est la joie d’être. Pas besoin de spectacle. Pas besoin de se montrer. C’est la présence pure, la conscience tranquille, ce que les sages appellent parfois sat-chit-ananda : être, conscience, félicité. Et ce trésor, il ne se trouve pas dans le bruit du monde. Il se révèle dans le silence. Mais le silence, au début, il faut aller le chercher. Il faut nager à contre-courant. Refuser de courir comme tout le monde. Résister à l’agitation. Et ça demande du courage.

Je ne suis pas devenu silencieux par sagesse. J’y ai été poussé. Par la douleur. Par l’épuisement. Par la lucidité. C’est la souffrance, brute, qui m’a arraché aux illusions. Et c’est à elle que je dois ce que j’ai trouvé au fond : un socle. Une paix. Une joie qui ne dépend de rien. Un amour qui ne joue aucun rôle.

Quand ce silence se déploie en moi, tout prend une autre couleur. Même la réalité la plus banale devient vibrante. Même la souffrance devient matière à gratitude. Parce que c’est elle qui m’a montré le chemin.

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