L’Inexorable Danse du Réel

Peut-il se passer autre chose que ce qui se passe ? Puis-je me soustraire à la cadence des événements, infléchir le cours du fleuve qui m’emporte ? Et surtout… qui, en moi, poserait cette question ?

Je lève la main, j’hésite. L’éclair au chocolat ou le yaourt ? Une fraction de seconde s’étire en éternité. La scène semble anodine, mais en son sein se cache l’énigme des âges. D’où naît cette préférence ? Pourquoi cette attraction pour le chocolat, ce désintérêt pour l’acidité lactée ? Ai-je, à cet instant, la moindre maîtrise sur l’élan mystérieux qui, comme un aimant, pousse ma main vers l’éclair ?

Ah, le libre arbitre ! Noble illusion, masquée d’orgueil et drapée de justification. Mais regardons les choses en face : ai-je un seul instant décidé d’aimer ce que j’aime, de penser ce que je pense, de croire ce que je crois ?

L’origine des pensées : un mystère sans auteur

Mes pensées naissent dans le silence, surgissant comme des comètes traversant l’immensité noire de ma conscience. Qui les convoque ? Pourquoi telle idée maintenant et non une autre ? Un rêve oublié les a-t-il semées dans mon esprit, comme un jardinier nocturne éparpille ses graines à l’aube ?

J’aimerais croire que je suis le maître du palais mental où ces pensées défilent en cortège. Mais la vérité est plus troublante : elles m’apparaissent, déjà formées, déjà armées d’intentions, d’émotions, de préférences. Qui a murmuré leur substance à mon oreille intérieure ? Qui, ou quoi, décide du flot invisible qui me traverse ?

Si le libre arbitre existait, je devrais pouvoir commander à ma pensée comme un roi commande à ses soldats. « Ne pense pas à un éléphant rose », et pourtant, déjà, il est là.

L’illusion du choix

Alors, suis-je condamné à ce que je suis, sculpté par une main invisible qui m’a façonné bien avant que je ne puisse dire « je » ? Lorsque je bouge le doigt, est-ce moi qui l’ai décidé… ou mon cerveau, dans l’ombre, l’a-t-il fait avant que je ne m’en attribue le mérite ?

Les neurosciences murmurent à mon oreille que mes décisions précèdent ma conscience de les avoir prises. Comme si j’étais non pas l’auteur de mon destin, mais le spectateur attentifs d’un film déjà écrit, cherchant désespérément à me convaincre que j’en suis le scénariste.

Alors, que faire ?

Se lamenter de cette mécanique invisible qui orchestre mes mouvements, mes amours, mes élans et mes désirs ? Ou bien, dans un éclat de rire, danser avec l’inévitable ?

Si tout est déjà déterminé, alors que reste-t-il sinon l’abandon ? Non pas la résignation amère, mais l’acceptation souveraine. Devenir la vague qui cesse de lutter contre la mer, le vent qui ne questionne pas sa propre direction.

Si l’éclair au chocolat m’était destiné… qu’il soit savouré avec une joie infinie. Car après tout, n’est-ce pas là la seule véritable liberté ? Accepter avec grandeur ce qui est, plonger dans l’instant sans résistance, comme l’eau épouse la forme de la rivière sans jamais s’y attarder.

Rien ne pourrait être autrement. Et c’est en cela que tout est parfait.

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