Bien camouflé derrière des années de spiritualité, habillé d’un masque de détachement devenu grotesque. J’essaie sans me l’avouer d’échapper à la douleur, me targuant d’avoir trouvé la paix au fond de mon cœur.
Alors je fuis, j’use de stratégies de plus en plus grossières à chaque fois que les choses se gâtent. Mais le masque ne tient plus, il fissure, laissant apparaître ce qui semble être une très grande fragilité, une très grande tristesse et une très grande solitude.
Je retiens encore le torrent, je voudrais que la paix et la joie soient là de manière permanente. Comme un enfant gâté, je voudrais que les choses soient différentes.
Ma douleur est liée aux circonstances de ma vie, mon insécurité vient du monde instable en lequel je ne peux avoir confiance. Bref, mon pouvoir est à l’extérieur. Je lui ai remis les clés de ma propre vie, je suis à sa merci.
Finalement, je cède de fatigue, je cède de désespoir et je finis par accepter d’être malheureux, je finis par accepter de pleurer ou d’être en colère, je finis par laisser le torrent couler à flot. Je n’essaie plus de retenir, de comprendre, de chercher à esquiver. Si la vie me veut malheur, alors je serai malheureux. Résigné, j’acquiesce, je ne subis plus, je dis oui à cet état d’inconfort, je dis oui à ce qui me traverse. Je ne cherche plus à paraître heureux et fort pour que l’on m’aime, je n’ai plus la force de chercher de la reconnaissance, je n’ai plus la force d’être autre chose que ce qui se produit, je n’ai même plus la force de penser ou d’interpréter ce qui m’arrive. Je pleure depuis trois jours, je ne sais même plus si je suis triste ou ému. Les émotions sont devenues de simples sensations. Elles me traversent intensément avec une assiduité toute particulière.
Dans ce flot d’émotions, je découvre ma force, ma puissance, ma paix et un amour qui grandit. Je découvre que mon instabilité ne vient pas de mes émotions mais du fait de les retenir, du fait de vouloir les contraindre, du fait de vouloir les changer.
Ce qui m’apparaissait comme fort fragile et fort souffrant s’avère révéler une grande sensibilité et beaucoup de stabilité.
Les apparences sont trompeuses, c’est surprenant.